mardi 3 mai 2016

Chacun son époque : occupation et résistance

challenge Chacun son époque : témoignage, essai, autobiographique

L'écriture ou la vie
Déporté à Buchenwald, Jorge Semprun est libéré par les troupes de Patton, le 11 avril 1945. L'étudiant du lycée Henri lV, le lauréat du concours général de philosophie, le jeune poète qui connaît déjà tous les intellectuels parisiens découvre à Buchenwald ce qui n'est pas donné à ceux qui n'ont pas connu les camps : vivre sa mort. Un temps, il va croire qu'on peut exorciser la mort par l'écriture. Mais écrire renvoie à la mort.
Dans ce tourbillon de la mémoire, mille scènes, mille histoires rendent ce livre sur la mort extrêmement vivant. Semprun aurait pu se contenter d'écrire des souvenirs, ou un document. Mais il a composé une œuvre d'art, où l'on n'oublie jamais que Weimar, la petite ville de Goethe, n'est qu'à quelques pas de Buchenwald.

Sommaire :
1. le regard : le kaddish / la ligne blanche / le lieutenant Rosenfeld / la trompette de Louis Armstrong
2. le pouvoir d'écrire : le parapluie de Bakounine
3. le jour de la mort de Primo Levi : ô saisons, ô châteaux / retour à Weimar

tout ce que j'ai aimé dans ce texte :
l'écriture de Jorge Semprun, sensible et réflexive, non ostentatoire et pleine de richesse,
la qualité narrative, l'auteur s'adresse à de multiples reprises directement à son lecteur, il donne l'impression d'un aparté avec chacun de nous,
l'érudition et la culture qui jamais ne désarment, et l'impression qu'en plein coeur du camp, au delà de la survie physique, les prisonniers de droit commun continuent à défendre leurs convictions et à s'inspirer des poètes,
le témoignage, non sur ce qui fut, mais sur ce que furent les hommes, même si les passages dans le camp montrent l'horreur de leur condition, les meilleurs moments concernent la fraternité et la solidarité, depuis l'anonyme qui le sauva en notant stucateur ou lieu d'étudiant sur sa fiche d'enregistrement, à la façon dont les prisonniers parviennent à s'allier pour rester des hommes libres de penser
le travail de mémoire, sous une autre approche, il ne subsiste pas de haine dans ses propos mais une tentative de comprendre le Mal absolu, les anecdotes les plus terribles prennent vie par les mots mais leur pouvoir de nuisance a été absorbé par l'écriture
la force vive de cet homme qui parvient au creux de sa souffrance à analyser avec une sorte de détachement et à partager ses réflexions sur l'existence, l'écriture, l'engagement politique, etc
une très belle expérience de lecture comme j'en fais peu car je ne vais pas spontanément vers ce style d'ouvrages par peur de les trouver rébarbatifs, j'ai noté de me procurer un autre de ses titres.

1 commentaire:

Avenael a dit…

Une époque très intéressante que tu as choisie là pour ce challenge !
Je ne connais pas du tout cet ouvrage, à découvrir donc.